19/06/2017

UNE AMIE TRÈS CHÈRE d’Anton DiSclafani

Pauvres petites filles riches...

Texas, 1957.

Cece Buchanan et Joan Fortier sont deux amies issues du même milieu : la classe riche de Houston, où les hommes ont fait fortune grâce à l’économie florissante du pétrole.
Elles se connaissent depuis toujours et semblent avoir tout partagé, jusqu’aux secrets les mieux gardés.

Cece, jeune épouse et mère d’un petit garçon, est sage, discrète, et totalement dévouée à son amie, alors que Joan est l’absolu opposé : aventureuse, solaire et égoïste, elle ne semble vivre que selon ses propres intérêts. Allant de fête en fête, et d’amant en amant, sa vie ressemble à celle de ces stars hollywoodiennes qu’elle admire. Elle s’éloigne peu à peu de Cece, qui s’inquiète, s’interroge, et revient sur le passé : qui est vraiment Joan Fortier ? Elle ne le sait plus. Mais l’a-t-elle jamais vraiment su ?

Pour obtenir des réponses à ses questions, Cece va s’accrocher à cette amitié coûte que coûte, et suivre Joan dans toutes ses extravagances. Quitte à mettre son mariage en péril.

Au premier abord, Une amie très chère n’avait pas grand-chose pour me plaire. Il est vrai que mes lectures m’entrainent généralement dans le monde des paumés et marginaux en tous genres plutôt que vers les histoires de femmes qui n’ont connu que le confort d’une vie où tout leur était servi sur un plateau. Ou dans un seau à glace. Ce qui est le cas de nos deux héroïnes.

D’autant plus que le nom d’Anton DiSclafani ne me disant vraiment rien, je suis allée faire une recherche concernant les précédents ouvrages de cet auteur, et je suis tombée sur ce titre : « Le pensionnat des jeunes filles sages ». Aïe !!! Avec un titre aussi niais, ça commençait mal entre l’auteur et moi.
Mais je me suis dit ensuite qu’il valait mieux mettre le titre de ce premier roman sur le compte d’une erreur de jeunesse (ou de l’éditeur).

Et puis, j’étais bien tentée par une lecture « légère ». Et grand bien m’en a pris.
Car, sous ses faux airs de superficialité, Une amie très chère est tout de même bien plus profond qu’une des nombreuses coupes de champagne qui seront bues tout au long du récit.

L’alcool y est certes omniprésent, comme la fête et l’argent, mais c’est ce qui nous permet de mieux saisir la vacuité du microcosme doré dans lequel évoluent Joan et Cece. Car une fois la fête finie (The After Party, c’est le titre original), que reste-t-il ?

Beaucoup de solitude, car les deux héroïnes sont, chacune à sa façon, prisonnières de ce que les autres attendent d’elles. Et une impression de gueule de bois, renforcée par le sentiment d’une amitié qui s’en va.

Un univers luxueux et suranné, extrêmement bien dépeint (et sans doute bien documenté. Le Shamrock, lieu de prédilection des deux amies a existé), assorti d’une fine description des personnages et des tourments de la narratrice. Une intrigue qui m’a tenue en haleine tout le long du récit malgré un dénouement un peu policé à mon goût. Une jolie écriture. Et enfin des thèmes passionnants comme la condition des femmes dans les années 50, les relations entre le personnel de maison pauvre et les employeurs riches, abordés, certes en filigrane, mais avec pertinence. Voici les raisons qui m’ont rendue accro à ce livre.
Je conseille Une amie très chère à tous ceux qui : veulent se rafraîchir au bord d’une piscine une coupe de Daïquiri à la main. Aiment bien les histoires de malheur des riches. Aiment aussi les histoires d’amitié qui sont des histoires d’amour. Et à tous ceux qui comme moi s’écrient parfois lorsqu’ils lisent : «Je suis sûre que ce sera bientôt un film !», et qui font eux aussi le casting dans leur tête. Pour ma part, je mets Sofia Coppola à la réalisation.
C’est ce qui est magique avec la lecture, on devient aussi producteur de cinéma !
Signé : La Tangente   

16/06/2017

LE CHIEN, LA NEIGE, UN PIED de Claudio Morandini

Il s'appelle Adelmo, il n'est plus très jeune, et il vit seul en haut de sa montagne, dans un coin quasi inaccessible et invisible des randonneurs, dans un abri qu'il appelle son chalet mais qui ne ressemble à rien. De temps en temps, lorsque les réserves lui manquent, Anselmo descend au village,- pas une petite randonnée croyez-moi -, pour se ravitailler en viandes et en vin. Le temps presse car les premières neiges vont tomber, et durer des mois entiers. Premier couac à cette routine dont l'auteur ne nous dit pas si elle dure depuis quelques années ou depuis toujours, les villageois à l'épicerie, des braves gens qui ne portent pas ce genre de traine-savate dans leur coeur, se moquent de lui: ne se souvient-il pas qu'il est déjà descendu, il y a quelques jours à peine, et s'est déjà ravitaillé pour l'hiver?

Adelmo n'est plus très jeune, c'est sûr, et c'est aussi pour cela que sa routine, on ne va pas la lui bousculer facilement. Tout juste accepte-t-il dans son giron la présence toute nouvelle d'une chien errant croisé dans sa remontée vers le chalet, un clebs particulièrement patient qui sait se faire collant, insistant, et devient très vite indispensable à son train-train. Non seulement ce chien se montre prévenant et fidèle à son égard, mais il lui parle, et Adelmo lui répond. Jamais il n'aura autant parlé de sa vie.

Adelmo a beau ne plus avoir toute sa tête, - la preuve: il était bien descendu au village la dernière fois, l'épicière avait raison -, il ne perd jamais de vue quelques principes de vie primordiaux. Comme ne jamais se laver, afin de bien garder toute sa chaleur pour lui. Et, surtout, repousser tout contact avec les humains, les tenir à distance. Débarque ensuite un jeune garde-chasse aussi collant et insistant que ce maudit bâtard, mais qu'Adelmo n'a vraiment aucune envie d'adopter, ni de mettre dans sa poche.
Ne soyez pas sûrs que le mystère qui entoure ce titre intriguant, Le chien, la neige, un pied soit entièrement éclairci au bout de votre lecture. L'histoire que nous raconte ici Claudio Morandini a beau ressembler, dans sa nature, à quelques textes de Moresco ou Rigoni Stern, il s'aventure ailleurs... Vers une sorte de réalisme déboussolé mais qui n'aurait rien de merveilleux ni d'enchanteur. Au contraire, l'auteur insiste beaucoup, et avec des mots mûrement choisis, sur la misère de son personnage, sur sa lenteur, sa saleté, sa peur du monde, sur sa perte de repères.

Au fin mot de l'histoire, qui aura bousculé notre appréhension de lecteur attentif par sa sérénité étonnante, Claudio Morandini nous assène en guise de conclusion un "CHAPITRE ULTIME L'histoire de cette histoire" qu'on aura à coeur de garder dans un coin, pour plus tard, et qui est une véritable leçon de romanesque et d'écriture:

Les histoires vraies ont un avantage immense sur la fiction: même si elles s'effilochent, s'enlisent, perdent du rythme et de l'allant, elles se terminent toujours d'une manière dont aucun cours d'écriture ne ferait jamais terminer une histoire inventée. Je ne suis certes pas le premier à jalouser cet aspect de la réalité (...) Mais je reste pantois chaque fois que l'effet fonctionne, ne fût-ce que partiellement.

Chaque histoire, chaque vie, fut-ce la plus misérable des vies, recèle des merveilles et des mystères que l'écriture est seule à même de faire voir. Celle d'Adelmo Farandola et de son chien affable en est une preuve supplémentaire. 

Sacrée découverte, vraiment...


Signé: RongeMaille

03/06/2017

LE CŒUR EN BRAILLE Pascal Ruter

 Chose promise chose due, voici quelques mots sur la fantastique, merveilleuse et époustoufifiante trilogie du Cœur en Braille de Pascal Ruter (je vous ai déjà dit que je l'adorai ?!)

J'ai eu un gros coup de cœur pour le 1er tome, Le Cœur en braille, une belle découverte (je crois d'ailleurs que j'en ai parlé à peu près tout le monde tellement j'ai adoré), une galerie de personnages hauts en couleurs et tellement attachants. Et mon Dieu Victor ! Victor et ses jeux de mots, ses petits loupés, ses bonnes intentions et ses amis. Ho oui, eux aussi valent le coup d’œil, Haïçam vénérable égyptien véritable génie aux échecs et Marie-José virtuose du violoncelle. Beaucoup d'humour (parfois qui ne vole pas très haut mais qui du coup plaît beaucoup au plus jeunes d'entre nous) et de la tendresse par camion. Une philosophie de vie que j'aime bien : "J'ai remarqué que dire n'importe quoi d'un ton très assuré est souvent la meilleure solution pour vous tirer d'un mauvais pas." Ce livre a été adapté en film.

Vient ensuite le deuxième tome  Du bonheur à l'envers (nouvellement appelé le cœur en braille trois ans avant, originalité quand tu nous tient) qui se passe avant le Cœur en Braille (3 ans donc) et là... ÉNORME COUP DE CŒUR ! Encore meilleur que le premier, j'ai ri toute seule dans le tram en lisant ce livre (et je sais de source sûre que d'autres ont fait pareil). On découvre le passé de Victor, son oncle loufoque et leurs folles aventures. Le plus drôle et le plus impertinent des tomes de la trilogie (le passage sur les témoins de Jéhovah...un régal!). La morale ? "Je me suis dit que certains sont faits pour le bord du chemin, et d'autres pour le grand milieu de la scène illuminée, et que c'était pas grave du tout."

Et enfin Le Cœur en Braille quatre ans après, le moins bon des trois, mais il est quand même chouette (que les choses soient claires). C'est vraiment sympa de retrouver toute notre joyeuse bande presque adulte (4 ans plus tard donc, c'est pour voir si vous suivez..). Victor prouve une fois de plus qu'il est un poète naïf du quotidien qui a un véritable don pour emporter tous ses proches dans de folles aventures. Pour conclure sur ce livre cette citation qui est du concentré de Victor : "J'ai l'impression que dans la vie il y a l'amour et très peu de choses autour. Comme dans une paupiette."  PRICELESS

 Pour conclure de très beaux livres touchants, émouvants, pleins d'humour, de nombreux jeux de mots et de belles leçons de vie ! Préparez-vous à une avalanche de personnages hauts en couleurs, mais aussi de petits moments qui vous rappelleront vaguement quelque chose. En plus les couvertures sont faîtes par l'illustratrice Anne Montel que j'aime beaucoup et dont on vous a déjà parlé.
Des livres qui font du bien !
Je parle de ces titres à la sur Divergence FM dans l'émission des sales mômes

Breaking news :
Le premier volume de cette merveilleuse série vient d'être brillamment adapté en BD. Aux illustrations Anne-Lise Nalin et au scénario Joris Chamblain. Et laissez moi vous dire que c'est vraiment VRAIMENT très joli en plus d'être une adaptation fidèle. Si je dois être tout à fait honnête, et bien que j'aime beaucoup Anne Montel, je n'aime pas trop les couvertures des romans. Alors que là.... c'est sublime ! On attend quoi ? On fonce!!!!!


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