30/11/2016

" LE CINEMA FRANCAIS, C 'EST DE LA MERDE !"

Ladies and gentlemen, l'Oscar de la couverture de livre la plus moche de l'année revient haut la main aux aventureuses éditions Distorsion pour ce formidable bouquin qui référence pas moins de 75 films bien d'cheu nous qu'un sentiment d'infériorité fort dommageable et bien national a remisé, à tort, bien loin derrière les films cultes anglo-saxons. C'est tout juste si on osera vous la montrer, cette couverture, tellement elle pique les yeux.

Idem pour la mise-en-page qui nous gratifie de textes jaunes sur fond marron, rouges sur fond noir, sur fond jaune, blancs sur fond vert, comme autant de milk-shakes bourrés de colorants que même les plus sales gosses auront du mal à finir. Mais non, on exagère, car ce livre d'experts pour cinéphiles à peine déviants est peut-être LE livre que tout cinéphile français (oui, monsieur: fran-çais !), attendait du fond de sa tanière. Un livre qui ne remise personne au placard, ni ceux de la Nouvelle Vague, ni ceux de l'avant-guerre, mais avec pour seul parti-pris de mettre sur la même ligne d'arrivée Truffaut, Resnais, Robert Benayoun aussi bien que José Benazeraf, (alias le Godard de Pigalle) et même Walerian Borowczyk et Laurent Baffie (si, si).

"Le cinéma français, c'est de la merde !" nous prouve tout simplement que nous avions raison d'aimer envers et contre tous Les Spécialistes de Patrice Leconte, notre Butch Cassidy & le Kid à nous, avec Lanvin et Giraudeau, nos Redford et Newman pour l' éternité. Que nous n'étions pas les seuls à garder un souvenir tourneboulé de Rue barbare et de la très méchante scène de castagne finale, et que M6 et W9 ont raison de diffuser deux fois par an Coup de tête avec Patrick Dewaere en footballeur revanchard, car on le regarde à chaque fois... et jusqu'au bout !

Ce livre d'amoureux du cinéma nous crie à chaque page tout en nous tenant tendrement la main: - Mais non, tu vois, tu n'es pas seul...

On pourra toujours chipoter sur tel ou tel film choisi, il n'empêche que la justesse des textes qui accompagne chaque film défendu, donne envie de retourner y voir et de reconsidérer quelques mauvais souvenirs (Assassin(s) de Kassovitz, Tir groupé de Messiaen, vous savez ce revenge-movie avec Gégé Lanvin en Bronson de Paname complètement vénère qui va mettre la misère aux bâtards qui ont fait du mal à sa Véronique Jeannot chérie, vous vous souvenez ?). De quoi retourner fissa dans son garage pour allez y retrouver son lecteur VHS, car parmi ces 75 pépites, gageons qu'il y en a certaines qui n'ont pas vu passer l'avènement du dvd...

Qui pour se souvenir de A coups de crosse de Vicente Aranda par exemple, petit polar furieux et saumâtre avec un Bruno Cremer royal en salopard onctueux, et la fatale Fanny Cottençon, une des plus belles paires de gambettes des années 80, dotée d'une voix à la fois agaçante et sexy, et aujourd'hui bien oubliée ? Et Mort un dimanche de pluie de Joël Santoni, d'après un roman génial de Joan Aiken avec Nicole Garcia et un Bacri pas encore screugneugneu, huis-clos digne d'un film noir américain, moins violent mais aussi tendu que le fameux Funny games de Haneke ? 

Et de ce film avec Alain Delon signé Serge Leroy, qui fit un bide lors de sa sortie et qui raconte comment un rôdeur va passer un très sale quart d'heure dans une maison occupée par des enfants livrés à eux-mêmes depuis que leur nounou trucidée les avait privés de télé ? Non, aucun souvenir ?

Ce livre est d'autant plus sympathique qu'il ne filera de complexes à personne: on y croise autant de films oubliés que de films célèbres (Les disparus de St-Agil, Les yeux sans visage, Le salaire de la peur, Tous les matins du monde sont là, il y a même un Belmondo), de vrais films-cultes peu diffusés (Paradis pour tous de Jessua, Themroc ou Une étrange affaire avec le grandissimo Piccoli), et on se surprend à compter: deux Serge Leroy, deux Alain Corneau, deux Jessua, deux Joel Séria, deux Patrice Leconte, deux Jérome Boivin (qui ça ???) deux Yves Boisset, trois Clouzot et... deux Philippe Labro !!!

Pas de Jean-Claude Brisseau, nul Mocky, pas de Jean-François Stévenin, tant pis. Poussière d'ange de Niermans et Neige de Juliet Berto non plus. On ne chipotera pas car, en sous-titre, on peut lire: premier round. Oh oui, vite, un deuxième !

En tout cas, RongeMaille le cinéphile s'est senti presque ému, voire tourneboulé par la présence de deux films qu'il se sentait à peu près le seul à avoir vu et à défendre envers et contre tous, pauvre prêcheur égaré dans un désert sans horizon, son bâton de vérité à la main, et dont même les reptiles et les insectes se détournaient en riant: ainsi, Christophe Chenallet y parle de L'homme qui voulait savoir de George Sluizer, incroyable thriller dans lequel un Bernard-Pierre Donnadieu royal (ce comédien trapu au jeu raffiné qui fut aussi l'inoubliable Hagen de Rue barbare, qui y trépassait coup-de-boulé par Giraudeau) incarne un tueur narquois qui ne veut pas dire à ce touriste flamand égaré en terre gardoise où il lui a planqué sa femme. Brrr...

Ainsi, Virgile Iscan nous fait partager sa passion pour le film le plus méconnu de Bruno Dumont, Twenty-nine Palms, qualifié ici et à juste titre de "plus grand film d'horreur jamais réalisé en France". C'était donc bien avant que le cinéaste du ch'Nord nous fasse bien marrer avec ses histoires de policiers qui ont des drôles de têtes et font de drôles de bruits. Un film des plus horribles, vraiment: une heure trente d'emmerdement maximal dans le désert californien, à la Antonioni période Désert rouge, tout juste ponctué par quelques scènes de sexe fort peu glamour, à la Dumont, pour en arriver à... à... oh bon dieu, c'est irracontable.

Voilà. Ceci est, lecteur,

Un bouquin écrit par PLEIN DE GENS illustré par d'AUTRES (ou parfois les MÊMES) sous la coordination d'un GARS.
Comme le signale fort justement l'intro, et c'est le livre de cinéma le plus roboratif, le plus décontracté, le plus décomplexé, le plus mieux que tu pourras lire avant longtemps.

Pour ta peine, voici la couv' du livre (je t'avais prévenu).
Signé: RongeMaille


29/11/2016

LA SAINTE FAMILLE de Florence Seyvos

En refermant ce roman, je me suis dit : "Quel miracle mon dieu, quel miracle". 
J'en réfère à Dieu eu égard le titre, qu'on me pardonne.

Je me suis dit, voilà un roman qui vient de me rappeler le fait que l'enfance est le pays de la solitude absolue, le pays, dont aucun adulte ne parle la langue, et je me suis rendue compte que pour réaliser cela à la lecture d'un roman il faut que ce soit un enfant qui raconte.

Or ça, on le sait, ça n'existe pas, ça n'existe pas, comme dirait l'autre.

Sauf que vous m'avez vue arriver avec mes gros sabots, Florence Seyvos a eu le grand talent, la folle justesse d'approcher au plus prés, de l'infiltrer ce pays-là,  et que l'espace de ces pages, j'ai oublié : Florence Seyvos est bel et bien une adulte.

J'espère ne pas avoir à vous convaincre, elle n'a dieu merci pas essayer de se mettre à la place de. Mon dieu (encore lui !), non.
Elle a travaillé de sa plume, le souvenir. La texture du souvenir, ses contours, sa lumière et ses ombres. 

La sainte famille (éditions de l'Olivier) nous met face à Suzanne et Thomas son petit frère. Ensemble, ils vont le traverser ensemble ce pays-là. Je le précise parce que cela ne va pas de soi avec la fratrie.
Leur lien a eux fut très fort.
C'est Suzanne qui raconte sur la grande majorité des chapitres. Elle raconte, les adultes, les autres enfants, la mère, le père, la grand-mère, les vacances, l'oncle inquiétant, la cousine tyrannique, l’instituteur barbare...
L'été, l'hiver, le quotidien et les vacances.
Suzanne raconte la douceur de la solitude, la force de la complétude, et le fait que grandir, c'est à peu prés accepter de la perdre, cette complétude. Le lien avec Thomas est parfait dans l'enfance. Le lien avec cette grand tante que l'on dirait simple d'esprit l'est tout autant. Cette grand-tante magnifique dans sa façon de vivre la vie sans filtre, seule, aussi seule que les enfants. Incapable de montrer ses sentiments mais pour laquelle Suzanne et Thomas représentent absolument toute l'essence de sa propre vie.
Suzanne se souvient de ses scènes, de ces instants où les autres, celles et ceux qui ne sont ni Thomas, ni la grand-tante, imposent, violentent, font intrusion dans leur bulle. La casse pour toujours. Les font grandir pas toujours quand eux l'auraient décidé.

Et là, bing, Florence Seyvos nous parle forcément à nous et de nous.
Comment ne pas instantanément se retrouver au cœur de l'un de ces instants vécus au milieu des adultes, de leurs mots entendus, pas compris, blessants comme des couteaux trop aiguisés, fascinants parce qu'obscènes ? Ou de ces autres enfants plus grands, plus abîmés, moins innocents ?

La sainte famille c'est aussi l'observation si juste du lien qui était la racine, la force, puis qui se délite, et fini par se transformer.
C'est le regard tiraillé de cette enfant sur la religion, que lui impose une famille inscrite dans cette croyance. Le regard qui questionne, observe, hait ou adore. Ou les deux à la fois.

La violence des autres vient nous cueillir là où jamais on ne l'attend. La violence de Suzanne nous tombe dessus, comme un couperet tomberait. Et puis, on la reconnait, on baisse les yeux, on souffle après la tension, mais oui, bien sûr qu'on la reconnait cette violence absorbée, dont un jour où l'autre sans même que l'on y pense on finit par être obligée de la vomir.

A l'heure où il va pas falloir trop tarder à retourner auprès de la Famille, ou autour d'une bûche, de guirlandes et autres fanfreluches, je ne saurai que trop vous recommander ce magnifique roman. Vraiment.

01/11/2016

LE PROBLEME AVEC LES FEMMES de Jacky Fleming

Le problème avec les femmes de Jacky Fleming est un excellent petit livre illustré qui vous fera à coup sûr rire...jaune. Un condensé de second degré mordant qui s'emploie à démonter les postulats de grands penseurs comme Darwin ou Schopenhauer sur les femmes.

Parlons d'abord un peu de l'auteure-illustratrice, l'anglaise Jacky Fleming. La petite Jacky est d'abord allée dans une école pour filles avant de découvrir à la fac, la liberté, le féminisme et l'art ! A partir de 1978 ses dessins apparaissent dans tous les grands journaux anglais. Son premier dessin édité est pour la couverture du centre de la revue féministe.

Avant tout il faut que vous sachiez que si on ne voit jamais de femme dans les livres d'Histoire c'est qu'avant elles n'existaient pas. LOGIQUE ! et ensuite quand on les a inventées elles sont directement allées dans la poubelle de l'Histoire car elles avaient une toute petite tête qui ne leur permettait pas grand chose à part des points de croix (et encore pas plus de 30). Ensuite comme l'ont démontré de grands génies (des hommes CQFD) si les femmes étudiaient, malgré tout, elles courraient le risque de perdre leurs cheveux, voir leur poitrine se flétrir, d'avoir une barbe et de faire des enfants tout ratatinés ! Ce ne sont pas les seuls risques que courent les femmes qui veulent s'échapper de la sphère familiale, par exemple si elles font du vélo elles ne pourront plus avoir d'enfant et en plus elles auront des jambes d'hommes qui ruineront leur vie sexuelle. Et je ne vous parle même pas des jupes culottes fort pratiques pour le vélo mais qui rendent lesbienne ! Non vraiment il vaut mieux que les femmes restent à la maison sans trop rien faire à part applaudir leur mari et faire de la broderie, c'est plus prudent !
Vous découvrirez aussi quelques femmes dont la petite tête et les faibles mains n'ont pas empêchées de faire des choses extraordinaires. La marquise du Chatelet (1706-1749) mathématicienne, femme de lettres et physicienne française, Eliza Grier (1864-1902) née esclave elle devient la première afro-américaine à pratiquer la médecine en Géorgie. Marianne North (1830-1890) célèbre naturaliste et illustratrice botanique anglaise. Et tant d'autres encore, alors soyez curieux et ouvrez en grand la poubelle de l'Histoire !
Il semblerait qu'un vent de féminisme souffle sur le Triangle Masqué !


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